Avant Apres Apres

 

Le naufrage du Pourquoi-pas ?

Charcot connaît bien l’Islande et les Islandais. Il a fait plusieurs voyages en Islande de 1902 à 1936, surtout après la 1ère Guerre Mondiale. C'est d’abord en été 1902 lors de son premier voyage dans le grand nord, les Îles Féroé, l’Islande et Jan Mayen. Il fait son dernier voyage en Islande trente-quatre ans plus tard. Cette période recouvre donc trente-quatre ans de sa vie, presque la moitié de sa vie et une grande partie de sa vie active.

Jean-Baptiste Charcot et son équipage sont allés 14 fois en Islande : Reykjavík et Akureyri, en plus des autres endroits, au total presque 40 fois. C’est en général de brefs arrêts pour le ravitaillement et pour prendre du charbon, mais aussi pour se reposer et rencontrer des personnes. Parfois ils s’arrêtent plus longuement, ce qui leur permet de voir du pays, aller par exemple au site historique et naturel, Þingvellir et voir les fameux geysers islandais à Haukadalur (Vallée du faucon).

Jean-Baptiste Charcot compte bien des amis en Islande, dont Þóra Fridriksson, la dévouée présidente de l'Alliance française. La présence des Français est assez importante à l'époque et l’Alliance française de Reykjavík est fondée en 1911, la même année que l’Université d’Islande. Charcot considère qu’il est de son devoir de soutenir l’activité de l’Alliance française et il y fait autant qu’il peut des conférences sur différents sujets, au grand plaisir de la cinquantaine de personnes francophones et francophiles de Reykjavík. Ces conférences sont de grands événements culturels à Reykjavík, dont on rend souvent compte dans la presse.

 

 

Þóra Fridriksson

Jean-Baptiste Charcot rend visite au consul de France, Monsieur Zarzecki et à sa femme grecque et va prier chaque jour dans la cathédrale de Landakot où il retrouve l'évêque Monseigneur Meulenberg.

Le commandant Charcot est ainsi peu à peu devenu un nom familier pour les Islandais, il est devenu ce qu’on a appelé plus tard Íslandsvinur, un ami de l’Islande.

L’arrivée du Pourquoi-pas ? est chaque fois un grand événement pour les Islandais : un grand bateau, magnifique avec sa grande mâture et ses belles voiles. Et tout le monde sait que c’est un homme célèbre, un explorateur qui a navigué jusqu’au Pôle Sud, un grand homme du monde, un Français cultivé qui apporte le monde avec lui, mais en même temps quelqu'un de très modeste et chaleureux.

 

Þóra Fridriksson et Charcot en septembre 1936

 

Le 10 septembre Jean-Baptiste Charcot remet officiellement les insignes de Commandeur de la Légion d'Honneur à son vieil ami, pilier de l'influence française en Islande, Monseigneur Meulenberg, évêque de Reykjavík.

 

Monseigneur Meulenberg

De gauche à droite : Albert Zarzecki, Jean-Baptiste Charcot et Monseigneur Meulenberg

 

Mardi 15 septembre 1936

7h30

À Reykjavík, Jean-Baptiste Charcot écrit : « À 2 heures du matin c'était un cyclone ; maintenant calme plat ; nous nous disposons à partir dans la matinée après avoir reçu le bulletin météo ...Nous allons partir. Que va être cette traversée ? »

Vers 12h00

Les renseignements météorologiques sont bons et donnent un très beau temps aux Féroé. Le baromètre est remonté en Islande, la mer est plate et le vent est nul. Il est temps de quitter Reykjavík pour être à Copenhague en temps voulu afin d’assister aux réceptions officielles prévues en l'honneur du commandant Charcot.

Dernier départ du Pourquoi-pas ?

Photo prise par le consul au départ du Pourquoi-pas? à Reykjavík

13h00

Sous un ciel uniformément couvert et bas, le Pourquoi-pas ? lève l’ancre.

Au bout de la jetée qui limite le port, Þóra Fridriksson, Albert Zarzecki, et son épouse échangent des signaux d’adieux avec le  Pourquoi pas ?. Sur la passerelle se trouvent, avec le jean-Baptiste Charcot et le Commandant Le Conniat, les autres membres de la mission, Messieurs Laronde, Devaux, Jacquiert, Badeuil et Parat.

Après avoir contourné les bancs et les petits fonds qui s'étendent au Nord-Est de Grotta, le Pourquoi-pas ? longe la côte pour faire route jusqu’au cap Skagi, à 21 miles de Reykjavík, et laisser à bâbord la bouée à cloche.

Le navire progresse à environ 7 nœuds en raison de la faiblesse du vent et d'un courant contraire.

À 15 heures 30, depuis le Pourquoi-pas ? on envoie un radiotélégramme au consul lui annonçant que tout va bien à bord.

Le Pourquoi-pas ? croise plusieurs chalutiers et bateaux à moteur, dont le bateau de sauvetage Ægir au-delà de Grotta.

Entre 14 et 16 heures le loch accuse 15,5 milles.

 

Dernière photo du Pourquoi-pas par l'Ægir

16h00

Eugène Gonidec, surnommé « Pingouin » qui a embarqué à Saint-Malo au mois de juillet précédent sur le Pourquoi-pas ?, prend son quart. La pluie commence à tomber, le temps est très bouché, et un vent de Sud-Est de force 3 se lève.

– À toi le soin !, lui dit le chef de quart descendant.

Je n’aime pas du tout cette mer-là, lui répond Gonidec.

Vers 17h15

Le Pourquoi-pas ? double la bouée située à l'Ouest du cap de Skagi et change de route pour venir aussitôt au Sud-Sud-Est. Le ciel est menaçant, la mer calme reflète la grisaille des nuages. On la dirait de plomb.

Vers 17h30

Le vent augmente progressivement, le baromètre continue de baisser. Le navire se rapproche assez près au Sud et longe la côte afin de bien se repérer avant de passer le « trou de Reykjanes », un passage difficile entre la terre de Reykjanes avec de nombreux bancs de récifs à 15 miles dans le Sud.

Brusquement peu de temps après, un vent du Sud-Sud-Est souffle en rafales et le temps prend mauvaise apparence. La mer se forme, le navire tangue, la mâture souffre.

Vers 17h45

Le baromètre descend à pic. La tempête s'est transformée en ouragan. Ne voulant pas franchir Reykjanes dans ces conditions, le commandant Le Conniat et Charcot, le chef de mission, se concertent. Que faire ?

  • Partir en fuite dans le Nord-Ouest avec la voilure de fuite, foc et petit hunier fixe, par exemple : c’est obliger à contourner l’Islande par le Nord. L’expérience a montré que le Pourquoi-pas ? embarquait beaucoup à cette allure, et il n'est pas certain de pouvoir doubler au Nord-Ouest de l’Islande.
  • Se mettre à la cape bâbord armures avec trinquette, la grande voile d’étai, un foc d’artimon et la brigantine, puis utiliser la machine pour ne pas trop dériver : c’est aussi s’exposer à courir très au large et faire route vers le centre de la dépression qui a l’air d’être dans l’Ouest.
  • Il reste la possibilité de retourner en arrière tant qu’il est encore temps, doubler Skagi et remonter vers les anses de Njardvík ou Vogavík pour y mouiller à l’abri. Si le vent vire Sud-Ouest et même à l’Ouest, on y serait dans une zone de calme relatif. D’autre part, ces mouillages sont peu distants, 8 à 9 miles tout au plus. En deux heures, on serait en sûreté.

Après délibération le commandant Le Conniat décide de faire rallier un mouillage dans le Sud-Est de Skagi qu’il espère atteindre avant que n'éclate l’ouragan. À bord, on n’a aucune peur. Le Pourquoi-pas ? en a certes vu d’autres, mais il est inutile de jouer sans raison avec la tempête, et il est sage de se mettre à l’abri d’autant que le grain qui arrive se révèle aussitôt d’une violence inouïe.

 

Carte

 

18h00

 

Le commandant Le Conniat ordonne de virer de bord avec la machine, voiles ferlées pour doubler Skagi à l’estime et faire demi-tour.

Remplacé par le maître-principal pilote Floury, Gonidec quitte son quart pour descendre dîner.

D’heure en heure le vent s’accroît et la mer se démonte davantage. Il fait très, très mauvais temps.

La nuit vient. Le navire gouverne mal, il embarque sans arrêt. La nuit est rendue encore plus obscure à causes des grains et des rafales qui soulèvent l’eau des vagues et noient le navire d’embruns.

Les veilleurs ont sans arrêt leurs jumelles embuées. Ils les essuient d’abord avec leur mouchoir, mais bientôt avec ce qu’ils ont de sec à l’intérieur du ciré, le tricot rayé, une serviette éponge qu’ils ont passée autour du cou. La mer est maintenant en furie. Les vagues bousculent et écrasent le navire qu’elles balaient sans arrêt. Le vent souffle en force.

Après le repas, Gonidec va se coucher. Dans sa cabine, il est confiant, le navire est bon, le commandant est un vieux routier des mers, et Charcot est un chef admirable et admiré.

De 23h00 à 00h00 le loch accuse 0,5 milles.

 

 

Mercredi 16 septembre 1936

00h00

Gonidec remonte au quart. La situation météo est la même : mer force 8, vent Sud-Est de force 12. Le point estimé est donné par le chef de quart descendant Cabon.

On doit être entre 13 et 14 milles dans l’Ouest de Grotta, et à 6 miles dans le Nord-Est de Skagi.

Le navire gouverne maintenant au 115° vrai, avec ordre de venir à droite de la route pour tenir un cap aux environs de l'Est-Sud-Est.

La route de fond devrait être du 80.

– La vitesse ?

La machine tourne au maximum.

Tandis que le Docteur Charcot, le commandant Le Conniat, le maître-principal Floury et un homme se trouve sur la passerelle, Gonidec se tient au porte-voix.

Le bateau gouverne très mal. La puissance du vent et l’état de la mer empêchent de rejoindre les abris de Njarvík ou de Vogavík.

La brigantine est établie pour donner au Pourquoi-pas ? une allure à la cape tribord amures. Le commandant Le Conniat espère faire du 80 sur le fond et ainsi rallier Grotta puis Reykjavík ou l'Hvalfjorður que Charcot connaît bien.

Le vent qui souffle avec une violence inouïe, tourne peu à peu vers le Sud. C'est un véritable cyclone. Le bateau gouverne très mal. Le cap au compas varie du 130 au 160. La mer est très grosse et il tombe une pluie torrentielle. Le Pourquoi-pas ?dérive sous le vent sans pouvoir en connaître exactement l'ampleur.

Vers 01h30

L'équipage aperçoit les feux de deux bateaux à vapeur par bâbord avant, en route de collision.

Vers 2h00

Dans la tempête, le navire croise deux chalutiers à la cape. Le Pourquoi-pas ? doit manœuvrer pour les éviter. Obligé de passer sur l'arrière du deuxième chalutier, qui aurait dû se déranger lui-même, sa brigandine est ré-hissée afin de lui donner une allure de cape tribord amures pour abattre et la manœuvre est appuyée par sifflet. Le navire gouverne très mal, la barre bloque durant 1 ou 2 minutes, le signal D est fait par sifflet.

Le Pourquoi-pas ? évite le chalutier et poursuit sa route. Le vent ne diminue pas, le bateau roule et tangue.

Entre 2h30 et 3h00

À travers la pluie et la poussière d'eau des embruns, un feu difficile à identifier est aperçu par intermittence, à faible distance. Un veilleur annonce :

Un feu par un quart sur l’avant de travers bâbord.

C’est Grotta !, s’exclame-t-on aussitôt.

Mais Le Conniat et Gonidec comptent les éclats :

Un : UN, un : DEUX, Un : TROIS, Un : QUATRE, un : CINQ.

Non ce n’est pas Grotta, alors ?...

Ils supposent que c'est Akranes. Et tout le monde de recompter.

 

La baie de Faxa (Faxaflói)

La baie de Faxa (Faxaflói)

Il faut se rendre à l’évidence, c’est Akranes. On recompte, entre deux grains.

C’est certain, c’est bien le phare de la pointe d'Akranes. C’est donc que le navire a terriblement dérivé. Ils n’auraient jamais dû le voir dans cet azimut.

L'entrée de l'Hvalfjorður, refuge auquel Charcot a déjà eu recours auparavant, est définitivement dépassée.

Aussitôt pour avoir une meilleure position, le commandant Le Conniat fait sonder et essaye en même temps de changer la cape, vent devant. Au sondage, on trouve : 35 mètres - 35 mètres - 45 mètres.

Ils sont donc dans une zone au Sud-Ouest du feu. Si ce feu est par le travers bâbord, c’est que le bateau dérive vers la terre vers une zone de récifs qui doivent être non loin entre 2 et 3 milles. Il faut virer de bord, venir dans l’Ouest.

La première tentative de manœuvre pour venir debout au vent est impossible. Le navire refuse de lofer, même en bordant la brigantine à plat en donnant le maximum, la barre à droite toute, le Pourquoi-pas ? ne franchit pas le lit du vent.

Le commandant se résout à abattre sur bâbord et vire ainsi de bord, lof pour lof pour changer de cap. Le navire vient bien. À bord on est soulagé. Le Pourquoi-pas ? est maintenant à la cape bâbord amures, cap environ au 250. Le commandant pense dériver vers le Nord-Ouest.

Jusqu'à 4 heures le vent ne faiblit pas du tout, la mer est de plus en plus grosse mais le baromètre commence à monter à pic.

04h00

Gonidec, remplacé par le maître-principal Floury, descends se changer et se reposer.

La mer est de plus en plus énorme : le vent force jusqu’à 12 et probablement au-delà. Le Pourquoi-pas ? navigue avec peine. La dérive est telle, que la machine n'arrive pas à lutter contre elle. La tempête le pousse irrésistiblement vers le Nord-Est. C’est un véritable ouragan. La brigantine, mise en loques et battant d’un bord sur l’autre, casse les balancines de la corne d’artimon et la corne, qui va au roulis, s’abat sur le pont. On amène le pic et on saisit la corne d'artimon le long du mât.

Vers 04h30

Un coup de vent abat le mât de flèche d'artimon qui n’est plus tenu. En dégringolant à son tour, il entraîne l’antenne radio de la TSF qui se brise. L'état de la mer rend impossible toute réparation.

05h00

Le jour commence à se faire et donne un peu de visibilité à quelques mètres de là. Les marins devinent plus qu’ils n’aperçoivent, dans l’Est, la ligne de côte. La mer n’est faite que de vertigineuses montagnes d’écume. La tempête est effroyable !

Gonidec qui ne peut dormir, se lève et remonte sur la passerelle. Tout le monde est là. Le commandant Le Conniat qui l’aperçoit lui demande descendre dans l'abri de navigation pour y prendre la carte numéro 5475, la partie Nord-Ouest de la côte de l'Islande, pour la lui amener dans le cagnard. Le Pourquoi-pas ? traverse alors l'embouchure du Borgarfjorður. À ce moment la marée monte vers le fond du fjord. C'est le courant de trop. La dérive sous le vent est accentuée par ce courant fort qui porte vers la côte.

Carte du Borgafjorður

 

Fouillant la chemise 74, Gonidec entend un cri provenant de la passerelle. Il sort et, dans le peu de visibilité, aperçoit autour du bord, les écueils peu immergés que le creux des lames laissent apparaître.

Le navire est au milieu de rochers à fleur d'eau, que le temps très bouché avait cachés jusqu'àlors. À gauche, devant, il y en a partout !

Le commandant Le Conniat essaie de manœuvrer entre eux. Il vire de bord. À nouveau le navire se trouve tribord amures à moins de deux milles de la côte. Il donne l'ordre d'augmenter l'allure de la machine. Gonidec court au panneau de la machine. Le quartier-maître-mécanicien Piriou lui répond qu'elle tourne déjà au maximum !

5h15

Soudain, un choc terrible ébranle le navire qui frémit tout entier. Le Pourquoi-pas ? vibre, résonne d'un bruit qui n’en finit plus. Tout le monde est secoué, perplexe.

Le navire talonne à deux reprises sur un seuil rocheux. Il se couche sur tribord

Dans le choc, la chaudière est disjointe et la vapeur fuse. La machine devenue inutilisable, le Pourquoi-pas ? ne peut même plus lui opposer sa force à celle du courant irrésistible. Désemparé le navire n’est plus qu’un jouet dans les flots en furie.

Une crête de lame importante frappe le Pourquoi-pas ? par la hanche bâbord. L'énorme vague qui balaye le pont, change de place le grand canot et le crève. Elle jette à la mer la vedette à moteur et brise la rambarde tribord. On s’accroche à tout ce qui a l’air de tenir.

 

Sauvetage

 

Le quartier-maître Vaucelle est blessé à la figure.

Le premier-maître de manœuvre Le Guen et plusieurs hommes sont projetés à l'eau.

On jette des bouées couronnes, mais il n'y a plus rien à faire.

En quelques minutes, avec cette vague monstrueuse, le navire franchit le seuil en lui faisait faire demi-tour. Le Pourquoi-pas ? flotte à nouveau mais à un cap opposé.

Le quartier-maître électricien Billly fait une ronde dans les cales et rend compte au commandant qu'elles sont vides. Les deux rondes suivantes donnent le même résultat. Le Pourquoi-pas ? ne s’est pas ouvert, il n’a y pas de voie d’eau.

Il faut se tenir prêt à tout. Les chiens hurlent à la mort. Dans ce chaos, Charcot descend chercher la cage dans laquelle se trouve la mouette apprivoisée du bord. La cage ouverte, Rita hésite, puis s’envole et disparaît.

Promptement, le commandant donne l'ordre de hisser les huniers et les focs, mais seuls le petit foc et le petit fixe peuvent être établis. Le cap est alors vers la terre. Mais le commandant Le Conniat réalise presque aussitôt que cette manœuvre est inutile et qu’il ne pourra pas sortir du banc avec cette voilure.

Vers 05h35

 

Si quelques instants auparavant, le commandant Le Conniat espérait se sauver en manœuvrant, désormais il ne voit de salut que dans l'immobilité. Pour éviter d'être porté sur d'autres récifs sous le vent, il se résout à faire mouiller les deux ancres. Il donne l'ordre de mouiller bâbord, puis peu après tribord. Même si la mise au poste de mouillage des deux fortes ancres du Pourquoi-pas ? demande du temps, cet ordre s'exécute rapidement. Faute de vapeur, le guideau ne fonctionne pas et, dans l'impossibilité de bosser, les chaînes défilent à toute vitesse.

Vers 05h45

Le navire évite un peu, mais avant que les ancres aient fait tête et que le navire se soit redressé face au vent, le Pourquoi-pas ? s'écrase contre un rocher, sur lequel il arrache sa quille, et franchit à nouveau le seuil. Jusqu'à présent la coque avait résisté, malgré les terribles chocs des talonnages, mais désormais éventrée, de l’air s’échappe maintenant par les manches à air en sifflant.

Le Pourquoi-pas ? est à environ 1 mille et demi de la terre que les marins commencent à apercevoir par instant. Une terre qui représente leur salut, mais qu'une mer déchaînée, déchiquetée par les brisants, les séparent.

 

Hnokki

Le récif de Hnokki

 

Cinq minutes après s’être échoué, le Pourquoi-pas ? donne de la bande. Il faut quitter le navire sous peine d’être englouti avec lui.

Il faut évacuer, dit Charcot.

Oui, il faut évacuer, répète en écho Le Conniat.

Le commandant Le Conniat fait monter tout le monde sur le pont et ordonne que chacun revête sa ceinture de sauvetage. On donne un gilet de sauvetage au Docteur Charcot.

À ce moment, le docteur Parat s'aperçoit que le commandant le Conniat est le seul homme à bord à ne pas avoir revêtu sa ceinture. Il court dans la chambre de l'officier, ne trouve pas ce qu'il cherche et remonte sur la passerelle en haletant, les bras ballants, muet d'impuissance. Le commandant Le Conniat le contemple paisiblement, et dit « Ça ne fait rien ».

Un cri, un ordre, le dernier, traverse le vent : « Sauve qui peut ! », c’est le commandant Le Conniat qui vient de le lancer.

L’aube pointe, le commandant Le Conniat fait tenter de mettre les embarcations restantes à l'eau. Les canots sont projetés en l’air par les vagues comme des bouchons par les vagues, ou se brisent à leur tour sur les récifs.

Charcot est avec le commandant Le Conniat et le maître-principal Floury sur la passerelle qui s'incline de plus en plus. Près du cagnard de la passerelle, Gonidec, entend Charcot, s’exclamer : « Mes pauvres enfants ! ».

Le Pourquoi-pas ? s'enfonce rapidement par l'arrière. L'équipage essaie de pomper. Peine inutile, l'eau gagne trop vite. Le drame ne peut être évité, chacun fait son devoir et, devant la mer cruelle et la nature déchaînée, l’homme est bien peu de chose.

 

 

Trajectoire du Pourquoi-pas ?

 

 

 

 

Avant Apres Apres

 

 

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