Chroniques maritimes

Sommaire

 


La Dépêche de Rouen - 12 Octobre 1926

Un bateau en feu au large de Saint-Valéry-en-Caux

Hier, vers 5h. 30 on apercevait de Dieppe dans la direction d'Ailly, une épaisse fumée.

Il s'agissait d'un trois-mâts en flammes. Ce navire se trouvant à 4 ou 5 miles, face au casino de Saint-Valéry-en-caux avait été aperçut par le sémaphore de ce port vers 4h.55, le feu s'étant déclaré à bord; Le foyer bientôt prenait des proportions et gagnait l'avant.

Pendant 25 minutes, le bateau dissimulé par un grain, il apparut à la vue. A 8h. 10, il brûlait encore et la mature tombait.

Du sémaphore de l'Ailly et de celui de Saint Valéry, les guetteurs n'aperçurent pas de canot pouvant transporter l'équipage. D'autre part, ils ne remarquèrent sur le navire aucun signal demandant du secours. Le trois-mâts paraissait faire route vers Dieppe.

Le chalutier Charles s'est rendu auprès du bateau en feu. Il a été impossible d'établir l'identité du bateau et sa nationalité.

 


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Le Journal de Rouen - 12 Octobre 1926

Au large d'Ailly - Un trois-mâts en feu

Le sémaphores de Dieppe, de l'Ailly et de Saint-Valéry-en-Caux signalaient hier, vers 16h 30, que le feu avait pris pris à bord d'un trois-mâts goélette paraissent se diriger vers Dieppe.

Le bateau fut vers 11 heures dans l'ouest de l'Ailly ; à l'heure que nous indiquons ci-dessous on constatait que l'incendie, qui semblait avoir pris à l'avant, gagnait rapidement tout le navire qui bientôt était complètement en feu.

Pendant 25 minutes, à cause d'une pluie abondante, on le perdit de vue, mais il fut de nouveau aperçu.

Ce bateau se trouvait à 4 ou 5 miles au large en face du casino de Saint-Valéry-en-Caux.

A 20 h 10, la mature est tombé.

Aucune demande de secours n'est partie de ce trois-mâts dont on ignore jusqu'alors le nom et la nationalité.

On suppose que l'équipage a dû se réfugié dans les canots à bord et gagner la côte. Le Chalutier Charles, du port de Dieppe, est sorti pour se rendre sur les lieux du sinistre.

Deux autres chalutiers se trouvant dans les parages se sont dirigés également vers ce trois-mâts.

 


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La Dépêche de Rouen - 13 Octobre 1926

Le naufrage du trois-mâts - C'est le Saint-Simon de Fécamp - Le cordier à moteur Rocco de Dieppe recueille l'équipage

Nous signalions hier qu'un trois-mâts barque était en feu à 5 miles au nord de Saint-Valéry-en-Caux. Le navire en perdition n'était autre qu'un caboteur à voile du type 'terre-neuvien", le Saint-Simon, armateur M. Charles Prentout, Grand Quai, à Fécamp.

Ce navire, sous les orde du capitaine fécampois Carpentier, avait quitté Séville (Espagne) avec un chargement de 520 tonnes de sel à destination des maisons de salaison de Fécamp. Le voyage s'était effectué dans de bonne conditions par mer calme.

En vue du port

Vers 10 h 30, le Saint-Simon doublant la pointe d'Etretat, se présentait en vue de Fécamp. Le temps, vers 11 heures, changea subitement. Un fort vent d'ouest souffla avec une telle violence que bientôt la mer était démontée. Nous avons du reste relaté que de solides chalutiers à vapeur du port de Dieppe, à peine sortis des jetées, avaient dû aussitôt stopper et regagner les bassins.

L'entrée impossible

Le Saint-Simon essaya de rentrer dans les jetées de Fécamp. Le navire était lourdement chargé par le nez. Les treize hommes d'équipage furent impuissants à assurer la manœuvre pour rentrer. Celle-ci devenant impossible, le parti le plus sage fut alors de mettre le cap sur le large.

Une voie d'eau

Au large, les vagues faisaient rage, la bourrasque sifflait sinistrement dans les vergues. Les lames blanches, immenses, montaient à l'assaut du trois-mâts fort chargé. L'eau avait envahit la cale. Sous la puissance des coups répétés des vagues, la coque dans le travers bâbord, avait cédé. La situation devenait grave.

Les pompes impuissantes

Le moteur de bord fut de suite mis en action et la pompe essaya de combattre la voie d'eau et d'assurer la faisabilité du navire. Mais la pompe fur impuissante. Le capitaine Carpentier, le Lieutenant Albert Gehain, le second Provost, durent aider les 10 hommes d'équipage à manœuvrer la pompe. Les heures tragiques Alors que les paquets de mers sautaient par dessus bord, de samedi à lundi 16 heures, l'équipage sans arrêt, sans aucun repos, nuit et jour pompa avec l'espoir de permettre au navire de gagner Dieppe où le salut était possible, Fécamp ne pouvant être rejoint dès lors.

Le navire abandonné

Lundi, vers 16 heures, la situation devint sans remède. La navigabilité du navire était devenue impossible. Malgré le fort vent d'ouest le navire ne progressait pas. L'eau montait dans la cale, la mer arrivait à hauteur du pont, la ligne de flottaison étant submergée. Le navire était irrémédiablement perdu.

Le feu à bord

C'est alors que, suivant les règles maritime, le feu fut volontairement mis à bord pour détruire le navire dont l'épave aurait pu constituer un réel danger pour la navigation. Le second Provost, 24 ans, qui effectuait son premier voyage sur un voilier, mit le feu au Saint-Simon. Résolument, il plongea dans les vagues puissantes. Dix secondes après une explosion se produisait à l'arrière, projetant, autour du courageux second, mille débris. M. Provost regagna une des embarcations. Le Saint-Simon qui portait le signal de détresse, s'enfonça lentement par l'arrière, restant fort tard dans la nuit le nez presque vertical, mâture et coque fournissant ainsi des éléments à l'incendie. L'épaisse fumée s'allongea vers l'Ailly, ce qui, de Dieppe faisait croire aux terriens fréquentant la plage "qu'il y avait le feu près du phare d'Ailly".

A la grâce de Dieu ...

Les hommes d'équipage, parmi l'équipage se trouvaient deux Luxembourgeois de Bonnevoie, qui faisaient leurs débuts en mer, ramèrent alors vers la côte. Les falaises crayeuses, la pointe d'Ailly et ses rochers meurtriers n'étaient cependant point encore pour les naufragés la certitude du salut. Suivant les fantaisie des vagues, les deux coques de noix descendaient, remontaient subitement à la crête des vagues écumeuses. Un grain d'ouest s'abattit des nues, masquant un moment le trois-mâts agonisant.

Un point d'horizon

Une anxiété indicible régnait parmi les naufragés. Le vieux loup de mer Victor Dehaye, qui ne compte pas moins de 40 ans de navigation, dont 7 à bord du Saint-Simon, aperçut soudain vers Dieppe un point noir à l'horizon, c'était peut-être l'imposante bouée au large de l'Ailly qui, dans les jours de brume, fait retentir sa lugubre plainte. Ce point grossissait, semblait se déplacer, et bientôt un soulagement inexprimable vint redonner confiance aux malheureux marins : un gros canot à deux mâts faisait résolument route vers les deux embarcations.

Le sauvetage

Le patron Bretot, qui est armateur de son canot à moteur Rocco, cordier du port de Dieppe, et ses quatre hommes d'équipage ayant aperçu l'incendie du navire, se portaient rapidement au secours des naufragés. On juge avec quelle joie les treize hommes prirent place sur la canot qui les emporta vers Dieppe. Au port Une vive effervescence régnait lundi soir au bureau du port de Dieppe et sur la demande de M. l'Administrateur de la marine, le Chalutier Charles fit route vers les lieux du sinistre. L'équipage du Saint-Simon débarqua à Dieppe où il fut réconforté.

Avec l'équipage

Hier matin, à proximité des bureaux de la marine, nous eumes l'occasion de croiser un groupe d'hommes de mer, vieux matelots en vareuse brune, jeunes gens en habits de ville, mais sans faux-col.

- N'êtes-vous point l'équipage du Saint-Simon ?

- C'est cela même, nous dit aimablement Victor Dehayes, tête sympathique de vieux fécampois, qui nous parle du sinistre en compagnie de son ami Alphonse Carpentier, lequel compte 38 ans de navigation.

- Depuis 40 ans, nous dit Victor Dehayes, je n'ai jamais vu une mer paraille. On a lutté jusqu'au bout pour sauver notre bateau, mais il n'y avait rien à faire. C'est une chance aussi que le Rocco nous ait aperçut, sans cela, nous ne nous serions peut-être pas tirés de cette aventure.

Et Victor Dehayes et Alphonse Carpentier sourient d'un air calme comme si, déjà, ils avaient oublié. Auprès d'eux, deux jeune Luxembourgeois nous dissent :

- Croyez-vous que nous sommes servis ; c'est la première fois que nous voyageons en mer !

Leur visage s'illumine lorsque nous leur parlons du pays du Luxembourg, dont les champions de football si appréciés au tournoi de Pâques de Dieppe, comptent ici de réelles amitiés. Dans les yeux brillants des jeunes gens, on lit que leur pensée s'envole un moment vers le Grand-Duché qui les vit naître. Huit hommes d'équipages sont des Bretons bien trempés, originaires d'Erquy, Côtes du Nord. Tous nous parlent avec une reconnaissance du patron Bretot, qui leur sauva la vie. M. Prentout, armateur, était dès hier matin à Dieppe pour prendre les dispositions nécessaire au rapatriement des naufragés.

 


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Le Journal de Rouen - 13 Octobre 1926

Le bateau en feu aperçu de Saint-Valéry appartenait à un armateur de Fécamp

En quelques lignes, nous avons signalé hier mardi qu'un trois-mâts goélette avait été aperçu en feu au large et devant Saint-Valéry-en-Caux. Il s'agissait du trois-mâts Saint-Simon appartenant à la maison Prentout, de Fécamp, d'une jauge nette de 33 tonneaux capitaine Henri Carpentier, et avant à son bord 13 hommes d'équipage.

Disons de suite que cet équipage fut sauvé par le canot à moteur Rocco, patron Gaston Bretot, dans des circonstances que nous relatons plus loin.

Le récit du capitaine

Le capitaine Henri Carpentier explique comme suit le début de la traversée, les coups de mer essuyés ayant amené la voie d'eau qui devait par la suite entraîner la perte de navire :

Parti de Séville à l'aide d'un remorqueur et d'un pilote, sur lest, pour me rendre aux salins de San-Lucas ; le 26 août, à 6 h du matin, descendu la rivière, mouillé aux salins le même jour à 6 h du soir, effectué le chargement de sel du 30 août, au 5 septembre chargé de 520 tonneaux brut, appareillé le 6 septembre, à 6 h du matin, le navire chargé à ses marques de franc-bord, sorti à l'aide d'un remorqueur et d'un pilote qui me quittait à 6 h du soir dans le nord du feu de Chipiena, doublé Saint-Vincent le 7 septembre à minuit, avec vent S-E ; le 9 septembre, me mettais par le travers du cap Espichel, à minuit, avec temps calme.

A partir de ce jour, le vent qui régnait de S-E, remonte au N-E pour rencontrer des vents variables qui ne durèrent qu'une journée, remonté dans ces conditions le Golfe avec toujours vent debout et calme. Essuyé trois jours de forte brise de N-E à l'entrée de la Manche.

Finalement, mouillé en Manche avec vents d'ouest en faible brise ; le 6 octobre, à 6 heures du soir, le navire qui, jusqu'à l'entrée de la Manche n'avait nullement souffert du fait du calme, commence à faire de l'eau et nécessite une durée de pompe de 20 minutes par quart d'heures.

Le 9 octobre, je me présentat devant le port de Fécamp à 10 h 30, pour effectuer ma rentrée, il ventait grand frais de O-S-O. L'équipage avait dû négliger de pomper pour assurer la manœuvre du navire.

Croyant trouver un pilote dehors, j'avais diminuée de voilure pour qu'il puisse monter à bord, mais ne l'apercevant pas, je décidai de rentrer quand même ; le vent et le courant aidant, je fus bientôt devant le port, j'essayai d'établir la voilure nécessaire pour faire une bonne manœuvre mais je constatai que, par le poids d'eau qui se portait à l'avant, l'action du gouvernail n'était plus suffisante pour faire cette opération dans de bonnes conditions ; je fis revenir le cap au large afin de mieux appareiller le navire et revenir en bordée recommencer l'opération de rentrée en faisant pomper l'eau qui génait le navire à l'aide de la pompe du moteur et des pompes à main.

Fatalement, le vent qui, jusque-là, s'était maintenu grand frais, se mit à venter en ouragan ; je dus conserver les amures bâbord et rentrer avec le fixe, le petit foc, la pouillouse et la grand voile à la cap courte.

Je fis mettre aux pompes l'équipage aussitôt disponible.

A partir de ce moment, la mer était démontée, le navire est couvert par les paquets de mer, roule et tangue bord sur bord, le vent hale O-N-O mais ne mollit âs.

Je décidai de relâcher sur rade de Dungeness en attendant l'accalmie, car depuis Fécamp nous pompons 30 minutes par 2 heures : arrivé à 4 heures du matin le 10 dans le E-N-E de Royal Sovereing, à 10 miles, et continué jusqu'à Dungeness où je signalais ma présence à mes armateurs dans cet endroit.

Je continuai à courir vent arrière jusqu'à 10 heures du matin, moment ou la brise ayant fléchi, je décidai de reprendre ma route vers Fécamp.

Appareillé toutes voiles dehors, route au S-O 1/4 W, la brise mollit, même durée de pompe de quart.

Vers 6 heures du matin, le 11 octobre, la brise qui avait tout à fait calmé reprend de O-S-O, avec grand vent violet, je me trouvais à 8 h 30 à environ 20 miles dans le E-N-E du port de Fécamp, je virai de bord pour approcher la terre.

Le navire fait toujours de plus en plus d'eau, nous ne pouvons affranchir avec les pompes et mettons la mot-pompe de secours en route ; voyant le temps fraîchir, le baromètre baisser, l'état dans lequel se trouve le navire, la voie d'eau augmente de plus en plus, je décidais de relâcher à Dieppe après avoir pris l'avis de l'équipage, pour sauver le navire et sa cargaison et pour le salut commun.

Après délibération, nous sommes tous tombés d'accord pour effectuer cette opération et nous avons tous signé le livre de bord.

Après signature de l'équipage, je ralliai la terre au plus vite, j'étais à 1 h 30 de l'après-midi dans le N-N-E de Saint-Valéry-en-Caux et laisser porter vers l'Ailly.

Voyant la marée passée, je fis route à petites toiles, pompant toujours ; à 3 heures, paraissant se maintenir, je consultai l'équipage s'il voulait tenter de rallier Fécamp ; tombant tous d'accord, je fis passer au plus près bâbord armure et je fais ainsi route aussitôt l'appareillage je fis transmettre aux pompes le moteur car l'embrayeur ne peut plus fonctionner, impossible d'affranchir les deux autres je fis mettre le cap aussitôt, il était 4 heures, voyant la situation dangereuse, je me rendis dans la cale et sondai deux mètres d'eau à l'archipompe, des trous énormes existaient dans le sel dont un représentai une fente de plus de 50 tonneaux.

Les deux pompes cessent d e fonctionner à 4 h 30 ; devant cet état des choses, le navire ralentissait toujours avec l'eau qui montait incessamment, je ralliai tous les membre de l'équipage afin de décider de notre salut commun.

Nous étions tous d'accord pour l'abandon du navire et sa destruction devenant ainsi une épave dangereuse si ne nous ne pouvions rejoindre les côtes.

Décision que nous avons tous signé avant l'évacuation du navire.

Vers 4 heures, j'avais hissé le signal NC du Code International au cas où en dernier ressort, une embarcation passant à proximité ait pu nous prendre en remorque et nous conduire au port le plus proche, mais aucun bateau n'étant en vue et ne pouvant plus tenir, je fis mettre en panne et commençais les préparatifs du sauvetage et de destruction du navire.

Débarqué la chaloupe et le doris, fais embarquer l'équipage, je restais dernier à bord avec le second-capitaine, mis le feu vers 5 h 30 après avoir arrosé d'essence et de pétrole, nous nous retirions aussitôt et débordions au plus vite.

Le navire se trouvait à ce moment à environ 10 miles dans le Nord de Saint-Valéry-en-Caux.

Le temps qui jusque là s'était maintenu quoique la mer fût houleuse se couvre, le vent prend aussitôt du O-SO en grosse brise, impossible, nous fut de rester jusqu'à complète disparition du navire.

Je fis donc route vent arrière ainsi que le doris commandé par le second-capitaine Provost, faisant notre possible pour éviter la mer qui était démontée, le vent fraîchi de plus en plus, la situation de nos petites embarcations devient inquiétante lorsque vers 6 heures, nous aperçûmes une embarcation se dirigeant vers nous.

Je mis le cap dessus et bientôt nous étions recueillis par le cordier Rocco du port de Dieppe, patron Bretot Gaston ; ce dernier nous fit embarquer à son bord et pris la chaloupe en remorque ; nous nous dirigeâmes ensuite sur le doris qui par la mer devait conserver la fuite et que nous atteignîmes bientôt.

Après l'embarquement des quatre hommes ; le patron Bretot pris également le doris en remorque et fit route vers Dieppe. Il dut néanmoins larguer la chaloupe et le doris qui le gênaient vu le temps et la mer ; le patron Bretot me dit que faisant route pour tendre ses lignes, il avait aperçu la lueur de l'incendie du navire et s'était immédiatement dirigé sur lui songeant qu'avec le temps existant, il y avait danger pour les petites embarcations. Je ne saurais trop louer la diligence et le courage, l'esprit de décision du patron Bretot et de son équipage pour nous porter secours, mettant tout en oeuvre pour nous venir en aide et j'estime que nous lui devons la vie sauve par cette nuit de mauvais temps où le vent a soufflé en tempête une partie de la nuit.

J'attribue la perte du navire et sa voie d'eau au vent N-E essuyé à l'entrée de la Manche où la mer était houleuse et courte et au coup de vent du 9 octobre où la mer était démontée et où le navire a souffert énormément occasionnant ainsi une déformation de la coque et un agrandissement notable de la voie d'eau.

L'équipage n'a dû, vu la place restreinte dans les embarcations, sauver que ses effets les plus nécessaires et les moins encombrants.

Le patron Bretot explique le sauvetage

Comme nous le disions plus haut, ce fut le canot à moteur Rocco n° 803, du port de Dieppe, patron Gaston Bretot, qui avec dévouement sauva toute l'équipage du Saint-Simon. L'équipage de Rocco, en dehors du patron, se compose de 4 hommes : Alexandre Bretot, Eugene Bruneval, Louis Corruble et Edouard Ferraud.

Nous laissons le sympathique et courageux patron Bretot relater comment, lui et ses hommes, recueillirent leurs camarades du Saint-Simon.

Nous étions sortis du port de Dieppe lundi vers deux heures de l'après-midi, nous faisions route sur les lieux de pêche, quant arrivés par le travers de la pointe de Gab, nous aperçûmes un navire ayant le feu à bord, aussitôt je fis route pour aller au secours de l'équipage, nous étions près d'arriver au navire qui flambait d'inquiétante façon quand nous vîmes les embarcations s'écarter du bord, nous nous dirigeâmes aussitôt vers l'une d'entre elles, car à ce moment le vent soufflait de plus en plus fort et la mer était grosse ; avec des précautions, nous recueillîmes à notre bord les huit hommes qui se trouvaient dans cette baleinière et la prîmes à la remorque pour nous diriger ensuite de suite sur l'autre embarcation qui était un doris avec cinq hommes ; enfin nous réussîmes à recueillir tout le monde, sain et sauf, malgré le temps qui fraîchissait de plus en plus, et le navire étant tout en flammes, je fis route pour Dieppe, il était à ce moment 5 heures et nous étions à environ à 7 miles au large de Saint-Valéry et Veules, je fis hisser notre voile de cap avec un ris, la mer étant très grosse je fus obligé de faire larguer les deux embarcations que nous avions conservées à la remorque car dans les "refournages" je craignais qu'elles n'arrachent la lisse de notre canot.

Enfin nous arrivions au port à 7 h 45, je fis débarquer l'équipage du navire et il fut conduit directement chez mon consignataire M. Denis qui leur fis donner les soins nécessaires.

Tout en complimentant ces braves sauveteurs, nous dirons qu'il y avait quelques hardiesse à embarquer sur le petit bateau les 13 hommes du Saint-Simon, et tous leurs bagages et sacs d'effets, surtout avec la mer démontée. Leur belle action n'en a plus de mérite et il est à souhaiter qu'elle reçoive sa récompense.

Aussitôt débarqués, les membres de l'équipe du Saint-Simon, furent conduis chez M. Morin, cafetier, rue Jean-Antonoine-Belle Teste, où des boissons chaudes leur furent servis. Les malheureux en avait besoin, car ils étaient transis de froid. Là, M. Gustave Lesueur, agent du Véritas, et M. Marcel Paray, de la maison Denis, vinrent s'occuper d'eux. On téléphona à l'armateur M. Prentout, puis afin de rassurer les familles, M. Paray envoya à chacune d'elles un télégramme. Ils conduisit officiers et équipage au restaurant Mommerot, rue du Boeuf , où repas substanciel vint réconforter ces infortunés matelots, qui n'avaient rien mangés, ou presque depuis 48 heures.

Hier matin, mardi, toutes formalités d'usage ont été faites près de l'administration de la marine.

L'équipage du Saint-Simon était composé comme suit :

Capitaine, M. Henri Carpentier ; second, M. Provost ; marins : MM. Albert Jehan, Alphonse Carpentier, Victor Dehaye, Toizoul, Poilevé. Eugène Conté, Leborgne, Baudet, les frères Wiltzius.

Ces braves gens appartenant aux Côtes-du-Nord, à Fécamp les deux derniers sont du Luxembourg.

Les rescapés vont regagner Fécamp.

 


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La Vigie de Dieppe - 15 Octobre 1926

L'émoi fut vif lundi soir parmi les milieux maritimes de notre port quand les sémaphores firent connaître qu'un trois mâts était en feu au large de l'Ailly.

Un certain temps s'écoula sans nouvelle sur le nom de ce navire e sa nationalité. Mais, dès huit heures du soir, on fut enfin rassuré quand on vit rentrer au port, le cordier à moteur Rocco, ramenant l'équipage au complet soit treize homme du navire en détresse, le Saint-Simon du port de Fécamp.

Ce trois mâts, appartenant à la maison Prentout, capitaine Henri Carpentier, avait quitté Séville (Espagne) avec un chargement de 520 tonnes de sel à destination des maisons de salaisons de Fécamp. Après un voyage effectué dans de bonnes conditions, le navire arriva samedi devant le port de Fécamp où il essaya d'entrer.

Mais le trois-mâts étant lourdement chargé par le nez, à la suite d'une voie d'eau, l'équipage fut impuissant à assurer la manœuvre pour franchir les jetées. Et le capitaine prit le parti de reprendre le large. Comme le vent soufflait en tempête, le capitaine alla se mettre à l'abri des côtes anglaises pour attendre l'accalmie. Celle-ci s'étant produite, le Saint-Simon refit route vers Fécamp.

Mais la tempête repris avec plus de force et, la voie d'eau ne faisant que s'agraver, les pompes du bord, à moteur et à main, furent mises en action. Elles furent bientôt impuissantes.

En vain, le capitaine Carpentier tenta de gagner Dieppe.

Lundi la situation devint sans remède. L'eau montait dans la cale et arrivait bientôt à hauteur du pont. Le navire était irrémédiablement perdu. L'équipage, entièrement d'accord, décida de l'abandonner.

C'est alors que, suivant les règles maritimes, le feu fut volontairement mis à bord pour détruire le navire dont l'épave aurait pu constituer un réel danger pour la navigation. Et les treize hommes, prenant place dans les canots du bord, s'éloignèrent pendant que le trois-mâts s'enfonçant lentement dans les flots. Il était environ cinq heures du soir.

Une heure plus tard, les naufragés furent aperçus et recueillis par le cordier à moteur Rocco, de notre port, monté par son armateur et patron, M. Gaston Bretot, et les marins Alexandre Bretot, Eugène Bruneval, Louis Corruble et Edouard Ferrand.

On juge avec quelle joie les treize hommes prirent place dans le bateau dieppois qui fit aussitôt route vers le port.

Par les soins de MM. Lesueur, agent du Véritas, et Paray, de la maison Denis, les naufragés furent dès leur arrivée à terre réconfortées. Ils n'avaient pas ou presque pas mangé depuis 48 heures.

C'est un nouveau et beau sauvetage à l'actif des marins dieppois.

"- Je ne saurais trop louer, a déclaré le capitaine Carpentier, la diligence et le courage, l'esprit de décision du patron Bretot et de son équipage pour nous porter secours, mettant tout en œuvre pour nous venir en aide et j'estime que nous lui devons la vie sauve par cette nuit de mauvais temps où le vent a soufflé en tempête une partie de la nuit.

Les naufragés ont regagné Fécamp mercredi après avoir été entendus par M. Ribal, administrateur de L'inscription maritime.

 


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