Histoire du Saint-Simon

Port de Fécamp

Fécamp

La ville de Fécamp, dont le plus ancien nom connu est « fiscannum », est liée depuis toujours à la pêche au hareng et à la morue. Le port est exploité par les moines de l'abbaye de Fécamp depuis le début du XIème siècle.

La pêche aux harengs de « Fescan » est alors réputée dans tout le royaume et constitue la principale source d'activité de la ville. La découverte, au tout début du XVIème siècle, des bancs de terre neuves va modifier de façon durable le type de pêche pratiqué à Fécamp, qui deviendra pendant plus de quatre siècles un des ports français les plus actifs de la pêche à la morue.

L'activité de la pêche au hareng, même si elle restera active, sera plus l'apanage du port de Dieppe. Le début de cette pêche aura également un impact important sur la construction des navires, le voyage sur les bancs de terre neuve nécessitant des tonnages plus important.

Ce type de pêche restera néanmoins lié à l'approvisionnement en sel et sera fortement perturbé par les guerres maritimes. Les campagnes sur les bancs se pratiquent à bord de sloop ou des lougres d'un tonnage généralement compris entre 60 et 80 tonneaux ainsi qu'à bord de navire tel que des pinasses, des flûtes ou des brigantins généralement dénommés sous le terme de nefs.

A partir du milieu du XVIIème siècle le tonnage des navires augmente progressivement, il est alors compris entre 60 et 80 tonneaux ; au milieu du XVIIIème siècle le tonnage est compris entre120 et 150 tonneaux. La pêche se pratique alors par des lignes à la main à bord des navires, et les morues sont remontées une à une.

L'invention de la ligne de fond à la fin du XVIIIème siècle va profondément bouleverser la technique de la pêche et propulser Fécamp dans une pêche de type industriel.

En 1834 apparaît le premier trois-mâts morutier dans le port de Fécamp, ce type de navire spécialement conçus pour ce type de pêche va bientôt se généraliser et faire de Fécamp à l'aube du XXème siècle un des premiers ports morutier de France.

Simon Duhamel

Simon Duhamel

Simon Duhamel, né à Yport le 11 novembre 1843, commanda à la grande pêche jusqu'en 1887. Il avait la particularité d'être à la fois armateur et navigant.

Son armement s'appelait "SIMON DUHAMEL PERE", puis il s'associa avec ses fils Sénateur et Joseph. Leur armement s'appelait "DUHAMEL JOLY".

En 1900, se trouve rompue à l’amiable, la très ancienne association de Gustave Vasse (1841-1901) avec Simon Duhamel qui représentait une des plus prospère maison d’armement, grâce surtout à la haute connaissance de Simon Duhamel, ancien capitaine et très expert.

Les vieux amis se séparèrent ainsi : Vercingétorix s’étant perdu l’année précédente, leur César fut vendu, le Duguay-Trouin fut attribué à Vasse, et l’Émilie à Duhamel. Mais, en même temps que le Saint-Simon était construit pour Duhamel, le Gladiateur l’était pour Vasse. En résumé, chacun avait un grand navire tout neuf et un autre encore convenable.

 

Simon Duhamel est mort en 1918. Son fils Sénateur lui succéda et Joseph Duhamel, le fils cacadet, créa en 1913 avec l'aide de quelques parents et amis, une Société dont l'activité principale serait consacrée à la Grande Pêche. Entouré de douze Actionnaires, il donne alors naissance, le 15 février 1913, à la Société "Les pêcheries de fécamp ", Société Anonyme au capital de 3000 francs, située à Fécamp au 17 Quai Vicomté.

La grande pêche

Trois-mâtes goélette Saint-Simon

 

 

Simon Duhamel n’achète pas il fait construire et ne s’intéresse qu’aux trois-mâts goélette. Grand capitaine il était, grand armateur il est devenu.

Le trois-mâts Saint-Simon est un beau trois-mâts goélette construit par les chantiers Tranchemer, à la Richardais sur Rance, pour Simon Duhamel en 1899.

Navire à pont unique de 392 tonneaux de jauge brute, long de 42 m, large de 9 m pour un tirant d'eau de 4,60 m.

Construit en chêne et orme, doublé en cuivre jaune, il est francisé le 20 décembre 1899.

 

 

 

Inscrit à Fécamp le 8 janvier 1900 et armé pour la grande pêche, il figure parmi les 59 navires armés à Fécamp pour Terre-Neuve. Le Saint-Simon quitte Fécamp avec un équipage de 34 hommes. À son retour il déclare une pêche évaluée à 190 tonnes.

Le Saint-Simon fera vingt et une campagnes10 à Terre-Neuve : cinq pour Simon Duhamel, dix pour les associés Duhamel et Monnier ; vendu au comte de Léché pendant la guerre de 1914-1918, il est armé au cabotage puis, à partir de 1920, il est armé par Charles Prentout & Cie pour lequel il fait six campagnes sur les bancs.

Dix capitaines se sont succédés à bord ; le capitaine François Savalle, gendre de Simon Duhamel, de 1900 à 1902, Eugène Deshais de 1903 à 1911, Félix Desjardins de 1912 à 1914, puis armé au cabotage il est commandé par les capitaines Leleu, Dorange et Charles Ballier. Quand il repart en pêche en 1920, il est commandé par Gustave Ledun jusqu'en 1923, puis Marcel Valin en 1924 et 1925. En 1926, il est commandé par Lemaître, puis Henri Carpentier lors de son naufrage.

Première guerre Mondiale

A partir de 1915, le Ministère de la guerre met en place le système dit du tiercement qui n’autorise l’envoi en campagne que du tiers des navires pêche pour Terre-Neuve, les autres seront affectés au cabotage, voir au grand cabotage, pour approvisionner le pays, les vapeurs sont réquisitionnés. De plus, tous les marins pêcheurs mobilisables sont partis pour Cherbourg, dès leur retour de campagne, en septembre 1914 ; il n’y a plus assez d’hommes pour former les équipages. En début d’année les quotas sont fixés pour la campagne de 1915, pour Fécamp, dix neuf voiliers terre-neuviers seulement peuvent partir, sur les quarante-quatre que compte la flottille fécampoise.

Les Duhamel ne peuvent armer qu’un seul navire, c’est Marie-Louise qui part pour la campagne de 1915.

Le Saint-Simon est désarmé de 1915 à 1917 où Il est vendu à l'armement de Léché

Cabotage

En 1918, le Saint-Simon ne figure pas parmi les sept navires armés à Fécamp pour Terre-Neuve. Il semble être armé au cabotage international.

Le Saint-Simon fait partie des quinze voiliers cordiers rescapés de la guerre, mais avec les ventes de navires dans d'autrtes ports, ils ne sont que dix. La flotille fécampoise passe à douze, avec l'arrivée de deux nouveaux voiliers.

La moitié de ces navires est repartie à Terre-Neuve pour la campagne de 1919. Le Saint-Simon n'y figure pas et semble être toujours armé au cabotage international.

Retour sur les bancs

En 1920, Le comte de Léché vend ses deux navires terre-neuviers : le Suffren, qui passe à La Morue Française et Sécheries de Fécamp, le 30 janvier, et le Saint-Simon à Charles Prentout & Cie.

Le Saint-Simon figure à nouveau parmi les douze navires cordiers armés à Fécamp pour Terre-Neuve. Les premiers départs sont retardés par le mauvais temps, puis, au dernier moment par l'absence de matelots bretons due aux grèves des chemins de fer.

Le 27 mai 1921, en pêche sur les bancs, il sauve deux dorissiers en dérive, un nommé Catel et son "avant" de doris, du navire terre-neuvier Anne-de-Bretagne de Saint-Malo : " Le troisième jour de dérive nous apporta un vent extrêmement fort, et le soir venu la brume se déchira subitement, laissant la place à un temps clair. Au loin était un trois-mâts qu’à force de rame nous avons rallié. C’était le Saint-Simon de Fécamp, qui venait de prendre mouillage ..."

Pêche à Terre-Neuve

 

En 1924 le Saint-Simon quitte Fécamp le 11 mars, vers trois heures de l’après-midi, à la même marée que Cotentin, le Philippe et le Marité. Une foule nombreuse de parents et curieux, massée sur le Grand-Quai et sur les jetées, assiste au départ des terre-neuviers.

Le 13 mars 1925, avait lieu un premier départ pour Terre-Neuve, quatre trois-mâts goélette ont pris la mer, la sortie s'est effectuée en début d'après-midi. A la marée du matin, en même temps que le Cotentin, le Marité et le Marie-Edmée, le Saint-Simon quitte Fécamp. Dans la foule qui se pressait sur le quai Guy de Maupassant, il était facile de reconnaître les parents et amis des terre-neuvas, la plupart de Fécamp et des environs. Au moment du départ, selon la pieuse coutume, l'étamine tricolore a été hissée trois fois à bord des bâtiments. C'était le touchant et cordial au revoir à Notre Dame du Salut

L'équipage qui comptaient 28 hommes, laissera plusieurs malades à Saint-Pierre qui seront rapatriés dès que leur état le permettra.

A son retour du Grand Banc, le 20 septembre, le Saint-Simon arrivent avec 170 000 morues pesant 270 000 kg, 4 000 kg d'issues de morues et 5 barils d'huile de foie de morue. Les trois dernières campagnes ayant donné de mauvais résultats. le Saint-Simon ne retournera pas à Terre-Neuve, il sera armé au grand cabotage.

 

Fin d'une carrière

En 1926, est armé au cabotage international, le Saint-Simon quitte le port dans les tous premiers jours d’avril 1926 pour Séville.

Sous le commandement du capitaine Lemaître, il emporte avec lui une cargaison de silex et doit se rendre aux salines de San Adréa au Portugal afin de charger une importante cargaison de sel pour le voyage de retour.

Il quitte Fécamp le 3 avril, mais le voyage commence très mal. Le lendemain, dans l'après-midi, le vent fraîchit, la mer devient forte et le bateau fatigue beaucoup, la nuit est mauvaise et cette tempête particulièrement violente ne l'épargne pas ; il subit des dégâts considérables qui l'obligent à relâcher à Cherbourg pour d'importants travaux de réparation.

Mais les ennuis continuent pour le Saint-Simon, parti depuis deux semaines de Fécamp pour Séville, qui subit un nouveau retard. Alors qu’il est toujours en relâche à Cherbourg pour réparation, il est endommagé par le steamer anglais le Earl de Glasgow qui l' aborde à la suite d’une fausse manoeuvre. Le choc est très violent ; le tableau arrière du Saint Simon est enfoncé et devra rester de nouveau immobilisé dans le port de Cherbourg.

Le Saint-Simon quitte enfin Cherbourg, sous les ordres du capitaine Henri Carpentier, et effectue la traversée jusqu’à Séville où il peut livrer sa cargaison de silex. Il se rend ensuite aux salines de San Lucas où il arrive le 26 août en vue d’effectuer le chargement de 520 tonnes de sel. Le chargement terminé, il appareille à destination de Fécamp à l’aube du 6 septembre.

Il mouille en Manche, le 6 octobre, après avoir essuyé trois jours de forte brise et commence à faire de l'eau.

Le 9 octobre à 10 h 30 , il se présente devant Fécamp. Le navire continue de faire eau, ce qui le rend difficilement manoeuvrable, l'absence du pilote et un vent de "grand frais" de Ouest-Sud-Ouest l'empêche de rentrer ; le capitaine donne l’ordre de faire cap au large afin de mettre en œuvre les pompes et se présenter au mieux devant l’entrée des jetées. Cependant, le vent se renforçant, le capitaine doit renoncer et décide de fai­re relâche en rade de Dungerness en attendant l’accalmie.

Le 10 octobre, devant la relative accalmie, le capitaine reprend sa route en direction de Fécamp.

Mais le 11 octobre au matin le vent forcit de nouveau en grand frais alors que le navire se trouve à 20 milles dans l’E-N-E de Fécamp. Le navire fait de plus en plus d'eau. La situation du navire devient préoccupante, on fait actionner la pompe de secours et décide de tenter de rallier le port de Dieppe mais n'y parvient pas, le navire est trop lourd et ne s'élève plus à la lame.

À 13 h 30, il est devant Saint-Valery et laisse porter sur Ailly au plus près de la terre.

Vers 16 heures, la capitaine hissé le signal NC du Code International au cas où une embarcation ait pu prendre en remorque le Saint-Simon. La situation ne fait alors qu’empirer vers 16h30 : les deux pompes sont noyées et plus de deux mètres d’eau sont maintenant dans les cales.

Le capitaine, en accord avec ses hommes, prend alors la décision d’abandonner le navire. Les hommes prennent place à bord de la chaloupe et du doris puis le capitaine arrose d'essence et de pétrole une partie du pont et met le feu au navire pour que l’épave ne gène pas la navigation dans la zone. .

A 17 h30, ils quittent le navire et débordent rapidement, la mer étant trop formée pour rester jusqu'à complète disparition du navire.

Le navire à ce moment à environ 10 milles dans le Nord de Saint Valéry en Caux.

Vers 18 heures, les naufragés aperçoivent un navire qui fait route dans leur direction, il s’agit du cordier Rocco du port de Dieppe qui, ayant aperçu les lueurs de l’incendie, s’est rendu sur place. Tout l’équipage est recueilli sain et sauf et peut regagner le port de Dieppe. Le navire s’enfonce longuement par l’arrière et brûlera une partie de la nuit avant de disparaître définitivement.

L'équipage du Saint-Simon était composé comme suit : Le capitaine Henri Carpentier, le Lieutenant Albert Gehain, le second Provost ; les marins : MM. Albert Jehan, Alphonse Carpentier, Victor Dehaye, Eugène Conté, Toizoul, Poilevé, Leborgne, Baudet et les deux frères Wiltzius.

 

Ex-voto du Saint-Simon

Ex-voto du Saint-Simon - Capitaine Savalle - 1900

 

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